Au terme d’années de recherche, l’immunothérapie apparaît comme une avancée majeure pour Alzheimer en proposant pour la première fois des traitements capables de faire reculer le déclin cognitif. Pourtant, la Haute Autorité de Santé (HAS) vient de refuser un accès précoce en France à l’un d’eux, le leqembi. Comment comprendre ce refus ? En quoi consiste ce traitement? Quels sont les bénéfices et les risques évalués dans la décision de la HAS?
Qu’est-ce que le leqembi, un traitement d’immunothérapie contre Alzheimer?
Alzheimer est la pathologie neurodégénérative la plus fréquente, avec, en France, environ 225 000 nouveaux cas par an. En l’absence de traitements autres que symptomatiques, l’immunothérapie représente un véritable tournant pour la lutte contre cette pathologie grave, à l’origine d’une perte d’autonomie progressive et de démence.
Le leqembi, comme le kinsula, sont des traitements d’immunothérapie anti-amyloïde. Ils ont en effet pour but de nettoyer les dépôts amyloïdes qui s’accumulent de manière anormale dans le cerveau des malades. Ils appartiennent à “l’immunothérapie passive”, c’est-à-dire qu’ils consistent en l’administration par injection intraveineuse d’anticorps préparés en laboratoire pour cibler ces dépôts responsables de la mort des neurones.
Le leqembi et le kinsula ont déjà bénéficié de plusieurs autorisations de mise sur le marché aux Etats-Unis et en Europe. Ils ont montré en effet un ralentissement significatif du déclin cognitif aux stades précoces de la maladie.
Quels sont les avantages et les inconvénients du leqembi ?
Le leqembi fait ainsi partie des premiers médicaments contre Alzheimer qui visent l’un des marqueurs de la maladie, les dépôts amyloïdes, et pas uniquement les symptômes. Ce traitement a montré des résultats très encourageants sur le déclin cognitif. Sans pour autant stopper complètement la progression de la maladie, les avantages du leqembi sont incontestables et cette avancée marque un tournant pour la recherche. Cependant, d’après les tests effectués, les traitements d’immunothérapie sont surtout efficaces aux stades débutants de la maladie, puisque l’on sait qu’il s’agit d’une pathologie qui s’installe lentement et silencieusement, parfois de nombreuses années avant l’apparition des premiers symptômes. Afin de garantir une plus grande efficacité, le diagnostic précoce reste une priorité.
Il est toutefois important de préciser que ces traitements comportent certains risques d’effets secondaires, principalement, des hémorragies cérébrales ou des œdèmes cérébraux appelés “ARIA”, qui nécessitent une surveillance accrue et des examens réguliers d’imagerie cérébrale lors de la prise de ce traitement.
Que signifie le refus de la HAS concernant le leqembi ?
Le 25 juin 2025, le laboratoire Eisai qui a développé le leqembi a déposé une demande d’autorisation précoce pour ce traitement auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour une éventuelle mise sur le marché français. Cependant, celle-ci a annoncé le 4 septembre dernier refuser cette autorisation. Elle invoque notamment la question des effets indésirables du traitement et un rapport bénéfices/risques insuffisant. Il est important de préciser que cette demande diffère de la procédure classique d’évaluation et d’autorisation qui est toujours en cours mais qui pourrait prendre au moins un an avant d’aboutir. Le but de cette autorisation précoce était donc de permettre aux patients français de bénéficier d’un accès à ce traitement innovant de manière accélérée. En effet, comme l’a souligné le Dr Marion Lévy, directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer, dans des propos recueillis par Booking Seniors : “ Ces traitements ne pouvant être administrés qu’à des patients au stade débutant de la maladie, il nous a semblé cohérent qu’une telle demande ait été déposée : un malade débutant en 2025 ne le sera peut-être plus fin 2026.”
Est-ce que le refus de la HAS semble justifié ?
S’il existe des risques d’effets secondaires concernant le leqembi, la directrice scientifique de la Fondation assure qu’ils ont été pris en compte par les neurologues qui se préparent depuis plusieurs mois à administrer ce traitement tout en surveillant de près ses effets indésirables.
Par ailleurs, comme dit précédemment, l’efficacité du traitement repose en grande partie sur le stade d’évolution de la maladie, ce qui rend cette autorisation précoce d’autant plus cruciale pour des patients qui risquent de perdre la chance de pouvoir être éligible au traitement lorsque la procédure classique aboutira.
Enfin, selon la Fondation Vaincre Alzheimer, les critères pour une demande d’accès précoce étaient respectés pour le leqembi, d’où leur étonnement face au refus de la HAS, d’autant qu’elle était très attendue des patients français et de leurs familles. Il s’agit d’une véritable déception pour eux.
Ainsi, le refus de la HAS marque un revers pour la communauté scientifique et les années de recherche qui ont abouti à la découverte de l’immunothérapie et du leqembi. Si les effets secondaires évoqués dans cette décision existent, une surveillance étroite, un suivi adapté et un choix minutieux des patients éligibles devraient permettre de les contrôler et d’augmenter le rapport bénéfices/risques jugé insuffisant par la HAS. Cette décision montre également que l’avis des patients n’a pas été suffisamment pris en compte. Ce refus paraît d’autant plus surprenant qu’une autorisation de mise sur le marché a déjà été obtenue pour ce traitement auprès de l’Agence européenne des médicaments et que d’autres pays européen comme l’Allemagne et l’Autriche ont accepté de mettre en place le traitement sur leur territoire.




