Le 16 décembre 2025, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le budget de la Sécurité sociale pour 2026 par 247 voix contre 232. Ce vote met fin à plusieurs mois de tensions politiques et d’incertitudes sur le financement de la protection sociale. Pour les personnes âgées et leurs familles, ce texte contient des mesures concrètes qui impacteront leur quotidien en 2026 : revalorisation des pensions, budget des Ehpad, vaccination obligatoire contre la grippe, ou encore financement de l’autonomie. Comment comprendre les mesures qui concernent directement les seniors et leurs proches aidants ?
Un parcours législatif mouvementé
L’adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 aura marqué les esprits par sa complexité politique. Déposé initialement le 14 octobre 2025, le texte a connu un parcours chaotique marqué par la chute du gouvernement Barnier le 4 décembre suite à une motion de censure. Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu a dû reprendre le dossier en urgence pour éviter une crise budgétaire majeure.
Le texte adopté compte finalement 115 articles, contre seulement 56 dans la version initiale. Le vote serré du 16 décembre, avec seulement 15 voix d’écart, illustre les divisions persistantes sur les questions de protection sociale et de fiscalité.
L’objectif national de dépenses d’Assurance maladie a été fixé à 274,4 milliards d’euros pour 2026, soit une progression de 3,1% par rapport à 2025. Ce relèvement de 4 milliards d’euros par rapport à la version initiale qui prévoyait seulement 1,6% d’augmentation résulte directement des négociations parlementaires et des pressions exercées par les acteurs du secteur de la santé.
Les pensions revalorisées de 0,9% en janvier
Bonne nouvelle pour les 14 millions de retraités français : les pensions seront revalorisées de 0,9% au 1er janvier 2026, suivant l’évolution de l’indice des prix. Cette revalorisation, bien que modeste, permettra de préserver partiellement le pouvoir d’achat face à l’inflation.
Cette décision marque un revirement par rapport aux intentions initiales du gouvernement qui envisageait, durant l’été 2025, un gel pur et simple des pensions pour contribuer au redressement des comptes publics. Les négociations parlementaires et la mobilisation des organisations de retraités ont permis d’écarter cette option qui aurait pénalisé directement les seniors.
Concrètement, pour une pension mensuelle de 1 500 euros, la revalorisation représentera une augmentation de 13,50 euros par mois, soit 162 euros sur l’année. Pour une pension de 1 000 euros, le gain sera de 9 euros mensuels. Ces montants peuvent sembler limités mais évitent une érosion du pouvoir d’achat dans un contexte inflationniste persistant.
Il est important de noter que cette revalorisation de janvier 2026 sera suivie d’une revalorisation potentiellement moindre en 2027 pour compenser partiellement la suspension temporaire de la réforme des retraites. Cette mesure d’équilibrage budgétaire aura des conséquences sur le pouvoir d’achat à moyen terme des retraités.
La suspension temporaire de la réforme des retraites
Le calendrier de relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite, prévu par la réforme controversée de 2023, est suspendu jusqu’en janvier 2028. Cette mesure temporaire, obtenue lors des négociations avec les socialistes, concerne les personnes qui devaient voir leur âge de départ décalé de quelques mois en 2026 et 2027.
Cette suspension représente un répit pour les futurs retraités concernés qui pourront partir à l’âge initialement prévu sans attendre les quelques mois supplémentaires qu’imposait la trajectoire de la réforme. Par exemple, une personne née en 1962 qui devait partir à 62 ans et 3 mois pourra partir à 62 ans jusqu’en 2028.
Toutefois, cette suspension a un prix. Elle sera compensée financièrement par une moindre revalorisation des pensions en 2027 et par une contribution accrue des complémentaires santé. Le gouvernement a en effet dû trouver des économies ailleurs pour compenser le manque à gagner de cette suspension sur les finances de la branche retraite.
Deux autres mesures visent à réduire les inégalités de pension entre hommes et femmes. Le renforcement de la prise en compte du nombre d’enfants pour le calcul du salaire annuel moyen devrait générer une hausse de pension pour 50% des femmes liquidant leur retraite à partir de 2026. Par ailleurs, la prise en compte des majorations de durée d’assurance liées aux enfants permettra à plus de 13 000 femmes nées après 1970 de partir plus tôt en retraite anticipée pour carrière longue, dans la limite de deux trimestres.
18,3 milliards d’euros pour les personnes âgées
Le budget consacré aux personnes âgées atteint 18,3 milliards d’euros en 2026, soit une progression de 3,3% à périmètre constant. Cette enveloppe finance l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie : Ehpad, services de soins infirmiers à domicile, aides techniques, formations des professionnels, et actions de prévention.
Cette augmentation s’inscrit dans un contexte démographique préoccupant. La France compte aujourd’hui plus de 15 millions de personnes de 65 ans et plus, et les projections indiquent que ce chiffre pourrait atteindre 20 millions d’ici 2040. Le nombre de personnes en perte d’autonomie sévère devrait passer de 1,5 million actuellement à 2,2 millions en 2040, créant des besoins croissants en matière d’accompagnement et de financement.
L’objectif de la branche autonomie, créée en 2021 et devenue la cinquième branche de la Sécurité sociale, est fixé à 43,6 milliards d’euros en 2026, contre 42,6 milliards en 2025. Cette branche finance à la fois les dépenses liées au handicap et celles liées à la perte d’autonomie des personnes âgées. Son financement repose notamment sur une fraction de la CSG et sur la nouvelle contribution financière pour l’autonomie adoptée dans le cadre du PLFSS 2026.
Les Ehpad obtiennent 150 millions d’euros supplémentaires
Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes bénéficieront de 150 millions d’euros de crédits supplémentaires en 2026. Cette enveloppe additionnelle vise à répondre aux difficultés financières croissantes du secteur, même si les fédérations d’Ehpad jugent ce montant insuffisant au regard des besoins réels estimés à 500 millions d’euros.
Ces 150 millions s’ajoutent aux financements déjà prévus et serviront prioritairement à poursuivre l’amélioration du taux d’encadrement dans les établissements. Le gouvernement s’est engagé à créer 50 000 postes supplémentaires dans les Ehpad d’ici 2030 pour répondre aux besoins croissants et améliorer les conditions de travail des personnels. Pour 2026, 4 500 recrutements sont prévus grâce à une enveloppe de 250 millions d’euros dédiée.
L’origine de ces 150 millions supplémentaires provient de la contribution financière pour l’autonomie, une hausse de 1,4 point de la CSG sur les revenus du capital qui passe de 9,2% à 10,6%. Cette mesure fiscale, qui rapportera 1,5 milliard d’euros, alimente spécifiquement la branche autonomie pour financer l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.
6,2 milliards pour l’Allocation personnalisée d’autonomie
Les concours versés par la branche autonomie aux départements, qui gèrent l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et l’aide sociale à l’hébergement (ASH), atteindront 6,2 milliards d’euros en 2026. Ces financements permettent aux conseils départementaux de verser l’APA aux 1,4 million de bénéficiaires actuels, que ce soit pour le maintien à domicile ou pour l’hébergement en établissement.
L’APA constitue une aide essentielle pour les personnes âgées en perte d’autonomie (Gir 1 à Gir 4). Elle finance les services d’aide à domicile, l’aménagement du logement, l’acquisition d’aides techniques, ou encore le paiement d’une partie du tarif dépendance en Ehpad. Son montant varie selon le degré de dépendance évalué par la grille AGGIR, qui classe les personnes en six groupes iso-ressources, de GIR 1 pour les plus dépendantes à GIR 6 pour les autonomes.
Le financement de l’APA représente un enjeu majeur pour les départements qui portent historiquement cette compétence. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de bénéficiaires, les dépenses d’APA ne cessent de progresser, créant des tensions budgétaires pour de nombreuses collectivités territoriales. Les concours de la branche autonomie visent à soulager partiellement cette charge financière.
La vaccination antigrippale devient obligatoire en EHPAD
L’article 20 du PLFSS 2026 instaure l’obligation de vaccination contre la grippe pour les résidents d’Ehpad. Cette mesure, qui avait été supprimée lors des premières lectures puis réintroduite par les députés le 9 décembre, vise à protéger une population particulièrement vulnérable face aux complications de la grippe saisonnière.
Cette obligation s’appliquera sous réserve d’une recommandation préalable de la Haute Autorité de Santé, qui devrait être publiée au printemps 2026, et sauf contre-indication médicale reconnue pour chaque résident. L’objectif est d’atteindre une couverture vaccinale maximale dans les établissements pour limiter les épidémies hivernales qui peuvent se propager rapidement en collectivité et entraîner des complications graves, voire mortelles, chez les personnes âgées fragiles.
Cette mesure d’obligation vaccinale suscite néanmoins des interrogations sur le plan éthique et juridique. Elle soulève la question du consentement des personnes, notamment celles atteintes de troubles cognitifs sévères qui ne sont plus en mesure d’exprimer leur volonté. Les établissements devront mettre en place des procédures respectueuses de la dignité des résidents tout en répondant à cette nouvelle obligation légale.
Des investissements dans les infrastructures et l’innovation
Le PLFSS 2026 prévoit des financements significatifs pour moderniser les infrastructures médico-sociales et développer des innovations. Le Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé reçoit une dotation de 401 millions d’euros provenant de la branche maladie. Ces crédits financeront des travaux de rénovation des bâtiments, l’acquisition d’équipements médicaux modernes, et la transformation numérique des structures accueillant des personnes âgées.
Parallèlement, 190 millions d’euros de la branche autonomie sont attribués aux Agences régionales de santé pour des actions du fonds d’intervention régional envers les personnes âgées et handicapées. Ces financements régionaux permettent de soutenir des projets locaux adaptés aux besoins spécifiques de chaque territoire, qu’il s’agisse de créer de nouvelles places d’accueil, de développer des services innovants ou d’améliorer l’offre existante.
Une enveloppe de 100 millions d’euros est également consacrée aux habitats intermédiaires que sont les résidences autonomie, l’habitat inclusif et les résidences services. Ces formes d’habitat représentent une alternative entre le domicile traditionnel et l’Ehpad, permettant aux personnes âgées de maintenir leur autonomie dans un environnement sécurisé et adapté. Leur développement répond au souhait majoritaire des Français de vieillir chez eux le plus longtemps possible.
L’accès aux soins renforcé avec les Maisons France Santé
Le déploiement du réseau des Maisons France Santé bénéficiera de 150 millions d’euros en 2026. L’objectif ambitieux est la labellisation de 2 000 structures d’ici l’été 2026, puis de 5 000 à l’horizon 2027, avec un financement moyen d’environ 50 000 euros par site.
Ces structures visent à améliorer l’accès aux soins et l’accompagnement sur l’ensemble du territoire, particulièrement dans les zones sous-dotées en professionnels de santé. Pour les seniors vivant en zone rurale ou dans des déserts médicaux, ces maisons pourraient constituer un point d’accès facilité aux professionnels de santé, évitant des déplacements longs et coûteux pour des consultations de routine ou des soins courants.
Le vieillissement de la population se conjugue avec une répartition inégale de l’offre de soins sur le territoire. De nombreuses communes rurales peinent à attirer et à retenir des médecins généralistes, obligeant les personnes âgées à parcourir de longues distances pour se soigner. Les Maisons France Santé cherchent à apporter une réponse à cette problématique en regroupant plusieurs professionnels de santé dans des structures coordonnées et accessibles.
Les franchises médicales maintenues à leur niveau actuel
Contrairement à ce qui avait été envisagé durant l’été, les franchises médicales ne seront pas augmentées en 2026. Cette décision évite une charge supplémentaire pour les personnes âgées, généralement grandes consommatrices de soins et de médicaments.
Les franchises médicales restent donc fixées à 0,50 euro par boîte de médicament, 0,50 euro par acte paramédical et 2 euros par transport sanitaire, dans la limite d’un plafond annuel de 50 euros. Ces montants, bien que modestes individuellement, peuvent représenter une charge non négligeable pour les personnes âgées qui multiplient les traitements et les consultations.
En revanche, les cotisations des complémentaires santé devraient augmenter en raison de la nouvelle taxe de 2,05% instaurée sur ces organismes. Un garde-fou a toutefois été prévu pour limiter la répercussion directe sur les assurés, mais une hausse des primes reste probable en 2026. Cette augmentation touchera particulièrement les seniors qui ont souvent besoin de garanties renforcées et paient déjà des cotisations élevées.
Le PLFSS 2026 apporte ainsi aux seniors un ensemble de mesures contrastées, mêlant avancées concrètes et arbitrages budgétaires contraints. La revalorisation des pensions, le renforcement du financement de l’autonomie, le soutien aux Ehpad et l’amélioration de l’accès aux soins traduisent la volonté de répondre aux défis du vieillissement de la population. Toutefois, ces progrès s’accompagnent de contreparties, comme la pression accrue sur les complémentaires santé ou des marges financières encore jugées insuffisantes par les acteurs du secteur.




